Une matinée à l’écoute du vivant avec Orry en transition et LPO

Une matinée à l’écoute du vivant avec Orry en transition et LPO

Compte rendu d’une belle balade ornithologique du 4 mai 2025 autour des étangs de Commelles

Dimanche matin, nous étions 15 personnes a participer à une balade ornithologique autour des étangs, guidée par Grégory Brouilliard, chargé d’études biodiversité à la LPO Hauts-de-France et également éducateur Nature à la nouvelle école d’ornithologie de Lamorlaye.

Il a ouvert la balade par un propos très alarmant sur l’effondrement actuel de la biodiversité. L’office français de la biodiversité parle d’une 6e extinction en vue : 68 % des populations de vertébrés (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles et amphibiens) ont disparu entre 1970 et 2016, soit en moins de 50 ans. 40 % des insectes sont en déclin au niveau mondial. Depuis 30 ans, la masse des insectes diminue sur Terre de 2,5 % chaque année, alors qu’au moins 75 % des cultures alimentaires en Europe dépendent des insectes pollinisateurs.

La découverte des oiseaux, qui continuent à fréquenter les étangs de Commelles, nous a mis un peu du baume au cœur, après ces chiffres inquiétants.

Grâce aux jumelles prêtées à chacun, nous avons pu observer de nombreux oiseaux. Et le puissant télescope de Grégory nous a permis d’examiner certaines espèces en détail.

Les premières rencontres ont été les hirondelles rustiques et des martinets noirs affamés survolant le plan d’eau. Grégory a expliqué que ces oiseaux revenaient tout juste d’Afrique du Sud, après un voyage de près de 5000 km, et qu’ils devaient d’abord se « remplumer » avant de penser à faire leurs nids et des petits. Il nous a appris à les différencier : les hirondelles rustiques ont la gorge rouge, tandis que les hirondelles de fenêtre sont blanc-gris, et les martinets, dont les ailes et la tête en volant forment davantage un demi-cercle, ne sont pas de la même famille. Le martinet est d’ailleurs un incroyable performeur ; excepté en période de couvaison ou de nourrissage, le martinet noir passe l’intégralité de sa vie en vol, y compris pour se nourrir et pour dormir. Pour cela, ils montent à des altitudes entre 400 et 3600 mètres. On pense qu’ils dorment alors en mettant en sommeil alternativement la moitié gauche puis droite de leur cerveau !

Un moment marquant a été l’observation d’un cygne tuberculé couvant son nid, très proche du chemin. Grégory a insisté sur l’importance de les déranger le moins possible, car les cygnes peuvent se montrer très agressifs en période de nidification, capables de blesser un humain avec leur bec ou leurs ailes puissantes. Une petite barrière avait été installée pour éviter les approches trop proches, mais certains promeneurs s’approchent tout de même imprudemment pour prendre des photos.

Nous avons également entendu les cris des foulques macroules, oiseaux aquatiques reconnaissables à leur cri saccadé, rappelant le son du mirliton. Très territoriaux, ils défendent ainsi bruyamment leur espace. À cette époque de l’année, nous avons pu les observer nombreux avec leurs poussins.

Un autre temps fort fut l’écoute du chant très riche et varié d’une grive musicienne, surnommée « folle hystérique » par Grégory tant elle enchaîne des motifs très différents. Il nous a fait écouter un enregistrement sur sa tablette tactile, tout en rappelant qu’il ne faut pas abuser de ces techniques de repasse (le nom donné à l’usage d’enregistrements d’oiseaux pour les faire réagir), car cela peut les stresser et perturber leur comportement.

Parmi les oiseaux d’eau, nous avons particulièrement pris plaisir à observer les élégants grèbes huppés, au plumage caractéristique, notamment leur huppe rousse. L’un des adultes couvait pendant que l’autre restait proche. Ces oiseaux sont connus pour transporter leurs petits sur leur dos et même pour plonger avec eux sous l’eau — un comportement rare et fascinant. Contrairement aux cormorans, également observés, les grèbes ont un plumage hydrofuge. Les cormorans, eux, doivent sécher leurs ailes après la pêche, car leur plumage est perméable, ce qui explique pourquoi on les voit souvent perchés, ailes grandes ouvertes.

Grégory a aussi évoqué le changement d’habitat de certaines espèces comme les mouettes et les cormorans, qui s’installent de plus en plus dans les étangs et les rivières intérieures, faute de nourriture suffisante en mer. Selon les retours de pêcheurs bretons qu’il côtoie, les poissons deviennent vraiment rares et, d’ici 40 ou 50 ans, certains estiment qu’il n’y en aura plus.

Enfin, nous avons eu la chance d’apercevoir plusieurs chevaliers, un petit échassier limicole au bec droit et fin, qui se nourrit dans les vasières.

Grégory nous a confié que les étangs de Commelles faisaient partie de ces lieux d’observation de prédilection, tant il y a d’oiseaux à découvrir. Souvent il vient dès 5 h 30 du matin, devant alors enjamber les ragondins endormis sur la digue, pour ne pas les réveiller.

Grégory a aussi partagé une réflexion inspirante sur le rapport que nous entretenons avec la nature. Beaucoup de personnes affirment n’avoir jamais vu un martin-pêcheur ou un oiseau aux couleurs vives, comme ce petit passereau jaune, le tarin des aulnes. Pourtant, lui les observe presque chaque fois qu’il vient aux étangs. Pourquoi ? Parce qu’il sait où chercher et à quel moment venir. Par exemple, le tarin affectionne les fruits des aulnes, mais il doit attendre les premières gelées pour que le froid fasse éclater les petits cônes et libère les graines dont il se nourrit. Connaître les plantes, les saisons, les habitudes des oiseaux, c’est déjà entrer dans une autre qualité d’attention. Grégory nous a ainsi encouragés à observer plus régulièrement, à revenir sur les mêmes lieux, à prendre des habitudes d’écoute et de contemplation : c’est ainsi que l’on découvre ce qui reste invisible à qui ne fait que passer.

Grégory nous a également donné quelques conseils précieux pour apprendre à reconnaître les chants d’oiseaux, ce qui peut paraître complexe au début tant la diversité est grande. Selon lui, la meilleure méthode est d’associer chaque chant à une image mentale ou à un son familier. Par exemple, le chant du merle noir, riche et mélodieux, évoque celui d’un jeu de flûte ; celui de la mésange bleue est plus métallique et aigu, presque cristallin. Quant à l’alouette, son chant rapide et continu peut faire penser au bruit d’une vieille radio qu’on essaierait de régler à la main, un flux ininterrompu de notes en cascade. En créant ce genre d’analogies, on peut petit à petit construire une mémoire sonore qui facilite l’identification sur le terrain. Grégory nous a encouragés à écouter, à comparer, à se tromper aussi, car l’apprentissage du chant passe par l’expérience et l’attention portée au vivant.

Enfin, Grégory nous a initiés à un concept-clé en ornithologie : le « JIZZ » (ou JEEZ, en prononciation française), un terme utilisé par les ornithologues pour désigner l’allure générale d’un oiseau, sa silhouette, son comportement, sa façon de se déplacer ou de voler, indépendamment des détails visibles. Grâce au JEEZ, on peut parfois identifier une espèce sans même la voir nettement. Par exemple, le cormoran, avec sa manière de nager très bas dans l’eau, presque en ne laissant dépasser que le cou, est aisément reconnaissable – une posture directement liée au fait que ses plumes ne sont pas imperméables. De même, il a pu identifier un chevalier simplement à son vol : rapide, tendu, à ras de l’eau, typique de ces limicoles, alors que pour nous, il ne s’agissait que d’ombres brunes filant à toute allure. Ce type d’observation, à la fois subtile et experte, nous a montré à quel point le regard se forme avec le temps, la pratique et la curiosité.

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